Perception des risques au Québec - Baromètre CIRANO 2021

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Un accès à toutes les données des différentes éditions du Baromètre CIRANO depuis 2011

Le Baromètre 2021 sur la perception des risques, rédigé par Nathalie De Marcellis-Warin et Ingrid Peignier (avec la collaboration de Thomas Gleize et Juliette Lhuisset) fait le point sur les préoccupations et les perceptions des Québécois envers 54 enjeux de société, tels que l’accès aux services de santé et à l’éducation, les changements climatiques, la vaccination, le partage des données, la dette publique, la hausse du coût de la vie, l’immobilier ou encore les grands projets énergétiques.

À l’instar de 2020, l’année 2021 a bien évidemment été marquée par la pandémie de COVID-19 et c’est dans ce contexte que s’est déroulée en août 2021 la collecte des données de cette édition du Baromètre CIRANO. Nous ne sommes alors plus au début de la pandémie et les connaissances au sujet du virus ont avancé tout comme le taux de vaccination, mais la population vivait encore au moment de l’enquête au rythme de la pandémie, marquée par des règles sanitaires strictes, des limitations dans les déplacements ou encore des recommandations en faveur du télétravail. Bien que Le Baromètre CIRANO couvre des enjeux bien plus larges que ceux liés directement à la pandémie, nous avons toutefois gardé en trame de fond, et ce, tout au long de nos analyses, les conséquences humaines et économiques qui se dégagent de cette crise et qui bien entendu teintent les perceptions des Québécois. Nous demeurons malheureusement convaincues que la COVID-19 n’est pas la dernière pandémie que l’humanité aura à affronter et il est donc essentiel de mieux comprendre les perceptions dans un tel contexte afin d’y être mieux préparé. Le précédent Baromètre ayant été publié en 2018, il apparaît comme particulièrement pertinent d’étudier les changements éventuels de préoccupations entre ces deux années.

Un top trois des préoccupations personnelles toujours identique depuis 2011 mais une hausse des préoccupations pour les risques environnementaux et les risques reliés aux ressources énergétiques par rapport à 2018

Les trois catégories de risques les plus préoccupantes sur le plan personnel suivent le même classement depuis 2011 :

  1. Risques reliés au système de santé (41 % des Québécois ont choisi cette catégorie dans leurs deux catégories les plus préoccupantes, proportion inchangée par rapport à 2018)
  2. Risques économiques et financiers (39 % des Québécois ont choisi cette catégorie dans leurs deux catégories les plus préoccupantes, 41 % en 2018 mais la différence n’est pas significative)
  3. Risques environnementaux et risques reliés aux ressources énergétiques (33 % des Québécois ont choisi cette catégorie dans leurs deux catégories les plus préoccupantes contre seulement 26 % en 2018, une augmentation significative)

En 2021, les Québécois se montrent ainsi encore plus préoccupés par les questions environnementales. D’autres résultats du Baromètre confirment cela : 69 % d’entre eux considèrent que les changements climatiques représentent « un grand ou très grand risque » pour notre société contre 52% en 2018 (hausse significative de 17 points). En ce qui a trait aux projets énergétiques, 63 % des Québécois sont opposés à l’exploration du gaz de schiste et seulement 12 % d’entre eux perçoivent ce type de projets comme « plutôt ou très bénéfiques » pour l’économie québécoise (proportions semblables à 2018). En parallèle, l’opposition s’est accentuée pour l’exploration du pétrole par rapport à 2018 : 58 % y sont opposés (contre 48 % en 2018) et 19 % y voient des bénéfices (25% en 2018). Le niveau de risque perçu pour ces deux enjeux est assez stable depuis 2018.

Alors que l’exploration pour des énergies fossiles est considérée comme risquée et la confiance dans le gouvernement pour gérer ces projets est très faible, les Québécois sont globalement plus favorables aux projets impliquant des énergies renouvelables. Ainsi, 79 % de la population est favorable ou plutôt favorable à la construction de parcs éoliens (74 % en 2018) et 82 % est favorable à la production individuelle d’électricité à partir de sources solaires ou éoliennes (78 % en 2018). Lorsque l’on parle de production d’énergie à partir d’éoliennes ou de panneaux solaires, les niveaux de risques perçus sont plutôt faibles et la confiance dans le gouvernement pour gérer ces enjeux, plutôt élevée.

On constate que les Québécois sont très cohérents dans leurs réponses : pour tous les enjeux pour lesquels ils ont répondu qu’ils y sont opposés, le niveau de risque perçu était supérieur au niveau de bénéfices perçus et inversement, pour tous les enjeux pour lesquels ils sont favorables, le niveau de bénéfices perçus est supérieur au niveau de risque. On voit aussi clairement que bien que ce soit le niveau de risque perçu, le niveau de bénéfices perçu et la confiance dans la gestion qui expliquent l’acceptabilité sociale, c’est le niveau de bénéfices perçus qui a le plus grand poids explicatif.

 

Une prise de conscience des risques reliés à la santé publique

À l’instar des deux dernières éditions du Baromètre CIRANO, lorsque l’on demande aux Québécois d’indiquer les deux catégories de risques les plus préoccupantes pour le Québec parmi dix à l’étude, deux se partagent le peloton de tête : les risques liés au système de santé (41 % et 35% en 2018) et les risques environnementaux et liés aux ressources énergétiques (41 %, contre 29% en 2018). Les risques reliés à la santé publique se hissent en 3e position des préoccupations des Québécois (27 % contre 17 % en 2018) et rétrogradent, à la 6e place, les risques reliés aux infrastructures de transport qui faisaient partie du Top 3 depuis 2011 (13 % en 2021 contre 26 % en 2018). Ce changement est tout à fait cohérent avec le contexte pandémique dans lequel l’enquête a été menée. Dans une situation de crise, il est raisonnable de penser que l’on se concentre sur le risque principal et que l’on occulte les autres enjeux, considérés comme moins pressants et accessoires en comparaison.

Somme toute, la pandémie semble avoir éveillée une prise de conscience pour les risques liés à la santé publique : si l’on regarde spécifiquement les enjeux qui y sont rattachés, les risques perçus pour les épidémies ont augmenté en 2021 (54 % des répondants perçoivent un risque grand ou très grand, contre 27 % d’entre eux en 2018) tout comme les risques perçus pour la vaccination (32 %, en hausse par rapport à 14% en 2018). La COVID-19 n’a néanmoins pas totalement occulté les autres enjeux de santé publique au Québec. En effet, les problèmes de santé liés au tabac et à l’obésité ou encore les maladies mentales et cognitives, sont perçus comme très à risque par les Québécois (niveaux semblables à 2018).

Toutefois, cette prise de conscience des risques de santé publique s’accompagne d’une confiance élevée envers le gouvernement pour gérer ces enjeux et en forte augmentation depuis 2018. En effet, 68 % des Québécois ont plutôt ou tout à fait confiance dans le gouvernement pour gérer la vaccination, proportion la plus élevée parmi les 54 enjeux à l’étude et en hausse par rapport à 2018 (44 %). La gestion de l’enjeu des épidémies profite aussi d’une confiance élevée et en forte croissance (45 % des Québécois ont plutôt ou tout à fait confiance dans le gouvernement pour gérer cet enjeu contre 20 % en 2018). Pour ce qui est de la vaccination plus spécifiquement, les Québécois ont pris conscience des risques mais également des bénéfices collectifs qu’elle peut apporter. Ainsi, 78 % des Québécois considèrent comme plutôt ou tout à fait bénéfique la vaccination, alors que cette proportion s’élevait à 58 % en 2018 et 87 % de la population y sont très ou moyennement favorable (en hausse par rapport à 75% en 2018).

 

Les objets connectés inspirent confiance mais la confidentialité des données et les cyberattaques sont au cœur des préoccupations.

L’utilisation des objets connectés à Internet, comme les montres intelligentes ou les assistants personnels intelligents, ne semble pas inquiéter outre mesure les Québécois et ceux-ci les considèrent même plus bénéfiques qu’en 2018. En effet, 24 % des Québécois considèrent l’utilisation des objets connectés à Internet comme un risque grand ou très grand (proportion semblable à 2018), 33 % affirment avoir plutôt ou tout à fait confiance dans le gouvernement pour gérer cet enjeu (en hausse importante par rapport à 18 % en 2018) et finalement 38 % considèrent cet enjeu comme plutôt ou très bénéfique (en hausse par rapport à 31 % en 2018). L’ensemble de ces éléments fait en sorte que les Québécois se déclarent favorables à leur utilisation dans une très forte majorité (70 %, en hausse par rapport à 65 % en 2018).

Mais l’utilisation des objets connectés à Internet soulève nécessairement des inquiétudes en termes de confidentialité des données. D’ailleurs, 58 % des Québécois évaluent la confidentialité des données comme étant un enjeu avec un risque grand ou très grand (proportion semblable à 2018) et cette proportion est de 60 % pour les cyberattaques (en augmentation par rapport à 48 % en 2018). Malgré tout, bien que la confidentialité des données soit l’enjeu qui recueille le plus bas taux de confiance dans le gouvernement pour sa gestion (48 % n’ont pas du tout ou plutôt pas confiance), cette confiance s’est améliorée depuis 2018 (53 % n’avaient pas confiance). Le partage des données est pourtant un enjeu très important et primordial afin de pouvoir utiliser l’ensemble des données recueillies par les objets connectés à leur plein potentiel et en faciliter la valorisation.

 

Bien que l’engorgement des urgences demeure encore l’enjeu perçu avec le plus haut niveau de risque en 2021, le top 3 des enjeux perçus comme les plus risqués différent des précédentes éditions avec la présence des changements climatiques et de l’accès à un logement abordable.

Bien qu’en légère baisse par rapport à 2018, la proportion des Québécois qui perçoivent l’engorgement des urgences dans les hôpitaux comme un risque grand ou très grand est la plus élevée parmi les 54 enjeux à l’étude (77 % en 2021 contre 79 % en 2018 – en outre, l’engorgement des urgences et l’accès aux services de santé bénéficient d’une confiance dans le gouvernement en nette augmentation également (58 % des Québécois ne font pas du tout ou plutôt pas confiance dans le gouvernement pour gérer l’engorgement dans les urgences contre 72 % en 2018 et 51 % ne font pas du tout ou plutôt pas confiance pour gérer l’accès aux services de santé contre 68 % en 2018). Le Top 3 des enjeux perçus comme les plus risqués est complété par l’enjeu des changements climatiques en deuxième place (69 % des Québécois perçoivent un risque grand ou très grand, en hausse substantielle par rapport à 52% en 2018) et par l’accès à un logement abordable en troisième place (69 %, nouvel enjeu ajouté à cette édition 2021).

Outre l’accès à un logement abordable, on constate que, tout comme dans les précédentes éditions du Baromètre, de nombreux enjeux socioéconomiques sont perçus par les Québécois comme ayant un niveau de risque relativement élevé : un autre nouvel enjeu en lien avec le logement, la montée des prix de l’immobilier (67 % des Québécois considèrent cet enjeu comme un grand ou très grand risque [5e position sur 54]), la hausse du coût de la vie et des taux d’intérêt (65 %, en 8e position), les déficits budgétaires et la dette publique (62 %, en 7e position) et les répercussions de la pandémie sur l’économie (62 %, en 9e position).

 

Le niveau de confiance dans le gouvernement en hausse pour la gestion de tous les enjeux

Les proportions de Québécois ayant tout à fait ou plutôt confiance dans la gestion par le gouvernement en 2021 sont toutes plus grandes que les proportions de 2018 pour les 47 enjeux communs aux deux enquêtes. On constate donc que malgré la pandémie et les impacts que celle-ci a pu et a encore sur la société, les Québécois ont aujourd’hui une plus grande confiance dans le gouvernement pour gérer l’ensemble des enjeux et plus particulièrement les enjeux en lien direct avec la pandémie et la santé publique.

 

Des Québécois qui s’informent de plus en plus auprès de sources d’informations fiables

Finalement, une des conclusions de l’édition 2018 du Baromètre CIRANO faisait état que certaines perceptions étaient le reflet de la réalité alors que d’autres s’en éloignaient et que cette dissonance entre perception et réalité pouvait parfois engendrer de graves conséquences. Ce constat s’accompagnait d’une recommandation à toutes les parties prenantes des projets ou enjeux à l'étude, sur l’importance de communiquer les bons messages à la population toujours basés sur des données probantes. Certains résultats nous laissent penser qu’un pas dans la bonne direction a été fait dans ce sens. En effet, il est encourageant de constater que la population s’informe davantage en 2021 qu’en 2018 auprès de sources d’information fiables : experts indépendants et gouvernements provincial et fédéral. 15 % des Québécois utilisent beaucoup ou énormément les gouvernements pour s’informer en 2021 contre 7 % en 2018.

 

Cette enquête a été réalisée entre le 5 et le 15 août 2021 auprès de 1003 répondants représentatifs de la population du Québec. Une étude de cas sur les changements climatiques a d’ores et déjà été publiée dans la Série Perspectives du CIRANO à l’occasion de la COP26.

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